lundi 28 avril 2014


La Ballade de Lénore où Les Morts vont vite


Horace Vernet, 1839

1.   Faire la carte d'identité du tableau :

      Le tableau "La Ballade de Lénore ou Les Morts vont vite" est une huile sur toile, peinte en 1839 par Horace Vernet. Cette oeuvre qui mesure 61 cm de long par 55 cm de large est conservée au musée des Beaux Arts de Nantes. Ce tableau représente une jeune fille en croupe derrière un chevalier en armure dont le visage est un crâne lumineux.

2.   Quel moment a représenté le peintre ? Quelle est l'attitude de la jeune fille ?

      Le peintre a représenté le moment où Lénore s'enfuit dans la nuit, en croupe derrière un chevalier en armure, sans visage et au crâne lumineux, sur un cheval noir et fougueux dont les naseaux s'illuminent et dont les pattes arrières font des étincelles. Ils sont poursuivis par des morts. 
      La jeune fille entoure d'un bras son chevalier qui lui tient la main. Sa tête est rejetée en arrière, échevelée, ses yeux sont exorbités et sa bouche grande ouverte. Elle est terrorisée par ce qui l'entoure.

3.   Où se déroule la scène et pourquoi ?

      La scène se déroule dans un cimetière, aux abords d'un château. Les personnages sont entourés par des morts, des pierres tombales. Leur cheval saute, tel un obstacle, la tombe d'un roi. C'est une fuite dans la nuit, une course folle sur un destrier, dans un lieu qui anime la peur, la crainte et fait naître l'angoisse.

4.   Étudier le jeu des couleurs. Quelle tonalité contribuent-elles à créer ?

      Les couleurs employées par le peintre pour représenter le fond de la scène sont dans les tons gris, noirs, bruns. Se sont des couleurs froides, sombres qui symbolisent la mort. Cette noirceur contraste vivement avec la blondeur et la blancheur du visage et du chemisier de la jeune femme. Elle semble illuminée par un halo de lumière qui provient du crâne lumineux du chevalier. La pureté, la beauté et l'innocence de la jeune femme s'opposent aux ténèbres. Tout cela contribue à entretenir le côté fantastique et mystérieux du tableau.

5. Quel détail attire le regard du spectateur ? Quels moyens a utilisé le peintre pour cela ?

      Le détail qui attire le regard du spectateur est le visage du cavalier. Celui-ci est illuminé par une lumière blanche éclatante, ce qui fait ressortir la forme d'une tête de mort, alors qu'à première vue le cavalier semble ne pas avoir de visage et n'exprimer aucun sentiment.

6. Quel angle de vue a choisi le peintre ? Pourquoi ? 

      Le peintre a choisi un angle de vue d'ensemble pour cadrer l'action et son décor environnant. Cependant, le peintre a aussi utilisé la technique de la contre-plongée qui consiste à accroître l'importance du sujet dans le plan, pour donner une impression de supériorité ou de puissance.

7. Quel effet Vernet cherche-t-il à produire sur le spectateur ?

     Horace Vernet cherche à emmener le spectateur dans la fuite de ses personnages, à les transporter dans l'action tout en les imprégnant de l'angoisse, de la peur réelle ou irréelle de cette scène qui nous interroge sur les limites du rationnel ou de l'irrationnel. Il donne au fantastique les traits de la réalité pour donner au spectateur la liberté d'interpréter à sa guise les événements.

8.  Avec quel extrait littéraire, mettriez-vous en parallèle ce tableau ? Pourquoi ? 

      L'extrait littéraire que je mettrais en parallèle avec ce tableau est "La Ballade de Lénore" du poète romantique allemand Gottfried August Bürger. Il s'agit d'une ballade romantique fantastique dans laquelle Lénore attend le retour de son fiancé Wilhelm, parti à la guerre de Sept ans. Un soir, à minuit, un chevalier l'entraîne dans une course folle sur son destrier. Affolée, Lénore l'interroge sans cesse, et il lui répond : "Les morts vont vite !". Il lui promet de la conduire pour leurs noces dans une demeure étroite et silencieuse. Lénore soulève la visière du casque et découvre la tête du mort dont les orbites creusent émettent une lumière phosphorescente. La mort triomphe de l'amour.
      On retrouve à travers cette ballade les personnages principaux du tableau de Horace Vernet ainsi que l'atmosphère fantastique qu'il a peinte. 


Extrait de "La Ballade de Lénore".


- Regarde! La lune est claire et brillante. Nous et les morts nous allons vite. Je te promets de te mener aujourd'hui même au lit nuptial.
- Dis-moi, où est ta demeure, en comment est ton lit de noces?
- Loin, bien loin d'ici; étroit, humide et silencieux: six planches et deux planchettes.
- Y a-t-il de la place pour toi et pour moi?
- Pour toi et pour moi. Viens, chausse-toi et monte en croupe: la chambre nuptiale est ouverte, les conviés nous attendent.

La jeune fille se chausse et saute avec agilité sur le cheval: elle enlace ses blanches mains autour de celui qu'elle aime, et ils s'élancent avec le bruit et la rapidité de la tempête. Le cheval et le cavalier respiraient à peine, les pierres étincelaient sous leurs pas.

[...]

Oh! comme s'envolait au loin tout ce que la lune éclairait autour d'eux! Comme le ciel et les astres glissaient au-dessus de leurs têtes. - A-t-elle peur, mon amie?... La lune est brillante. Hurrah! Les morts vont vite! A-t-elle peur des morts?

- Oh! mon Dieu! laisse donc les morts en repos!
- Mon cheval noir! Il me semble entendre déjà le chant du coq. Bientôt le sablier sera écoulé! Mon noir! Mon noir! Je sens l'air du matin. Dépêche-toi, hâte-toi!...Finie, finie est notre course! Le lit nuptial s'ouvre pour nous: les morts vont vite: nous voici arrivés!

[...]

Mais voyez, voyez! Au même instant, Dieu! quel affreux miracle! Le manteau du cavalier tombé en poussière, sa tête est changée en une tête de mort décharnée, son corps est un squelette armé d'une faux et d'un sablier! 

Le cheval noir se cabre furieux; il hennit, vomit des flammes, et s'abîme dans de sombres profondeurs. Des hurlements descendent des sphères célestes, des gémissements sortent du fond des tombes. Le coeur de Lénore palpitait avec angoisse entre la vie et la mort.

Alors, à la lueur de l'astre nocturne, et se tenant par la main, dansèrent en rond, autour d'elle, de pâles fantômes, et ils entonnèrent l'hymne suivante: «Patience! Patience! si la douleur brise ton coeur, ne blasphème jamais le Dieu du ciel! Ton corps est délivré; Dieu ait pitié de ton âme!»

Gottfried Auguste Bürger